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Interview de Robert Rochefort à propos du Made in France

Economiste statisticien et sociologue, Robert Rochefort a dirigé le Centre de Recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) jusqu'en 2009.

Il a écrit le livre Produire en France, c'est possible ! (éditions Odile Jacob) et plusieurs autres livres sur le comportement des consommateurs.

Robert Rochefort est actuellement député européen. (Source image : Legermi, Wikipedia)s



-Le "Made in France" a beaucoup fait parler ces dernières années au niveau politique et médiatique. Voyez-vous cette effervescence commencer à se traduire sur le terrain de manière concrète ?


Le fait notoire le plus important, c'est le retour et la multiplication dans de nombreuses enseignes de différentes tailles de l'affichage "fabriqué en France", "made in France" et du drapeau bleu blanc rouge.

Il s'agit pour certains commerçants d'une implication très forte, et pour d'autres plutôt d'un opportunisme, de surfer sur un effet de mode. Le "made in France" est en tout cas sorti d'une ringardise supposée pour s'offrir une nouvelle actualité, c'est ce qui est le plus important.

On flatte l'égo du consommateur, mais cela ne suffit pas car il doit aussi y avoir un argument commercial. Le produit doit rester quelque chose qu'on achète car on a envie de l'acheter, au delà du fait qu'il soit fabriqué en France, même si cela devient un critère d'achat à part entière.

-Quelle est la clé du succès pour la production française selon vous ?  Sur quels secteurs s'appuyer ?


Il faut être très original. J'ai découvert récemment une initiative de cette chaîne qui vend des vêtements vintage au poids. Certains vêtements en daim sont récupérés à partir d'ancien vêtements qui sont restylés. Le produit est assez astucieux car il combine vintage, recyclage et "made in France" dans le design et la fabrication. Il existe de nombreux secteurs porteurs, il se fait des choses très bien dans la literie, dans le secteur de l'automobile avec Peugeot...

Il faut se dire qu'aucun secteur n'est interdit au made in France, mais on doit trouver le bon chausse pieds, le bon angle. Cela peut être un design très original avec par exemple, dans le domaine du meuble, le fait d'utiliser des matériaux recyclés ou la possibilité de faire totalement du sur-mesure. De mon point de vue, il ne faut jamais se dire qu'il y a une impossibilité de départ ou des catégories de produits auxquelles le "made in France" ne pourrait pas s'appliquer.

-Quels outils peut-on mettre en place pour inciter ou aider les consommateurs qui le souhaitent à soutenir l'industrie française par leurs achats ? 
La labellisation existante peut-elle être considérée comme suffisante pour les guider ?



Nous n'avons pas encore trouvé la réponse.
D'un côté nous avons le label Origine France Garantie (OFG), qui est incompréhensible, trop complexe. Quand on parle d'origine, cela reste ambigu. Prenez juste l'exemple d'une voiture...

D'un autre coté, de manière plus simple et plus lisible, on trouve le drapeau français ou la mention "fabriqué en France". Ce ne sont pas des labels en tant que tels mais beaucoup de gens les utilisent car ils sont simples et explicites. D'autres labels sont plus efficaces que celui d' OFG. Je parle de tous ces logos régionaux tels que Sud de France ou Produit en Bretagne. Ceux-là sont beaucoup plus parlant pour les gens.

Il n'y a pas eu de travail d'aggiornamento qui aurait mis en avant une seule référence derrière laquelle tout le monde se retrouverait. Mais cela n'est pas dramatique : le concept du made in France se prête assez bien à ce que l'on appelle dans une démarche scientifique un "concept flou". C'est le cas par exemple pour un scooter Peugeot, dont l'origine des pièces détachés peut être autre mais dont l'assemblage du produit final se situe en France.

Il faut certes normaliser les choses, notamment à l'aide de la valeur ajoutée. Toutefois, du point de vue du consommateur, l'existence de plusieurs labellisations n'est pas gênante.

-Bien qu'une large majorité des français soient prêts à payer un peu plus cher (Etude du Crédoc*) pour consommer des produits fabriqués en France, cette intention chute fortement lorsque la différence de prix dépasse 10%. Comment faire pour convaincre davantage de nos concitoyens de soutenir la production hexagonale, et sur quels leviers peut-on jouer dans le contexte actuel ?


Le problème de cette différence de 10% est une barrière infranchissable pour deux produits strictement identiques, sinon leur achat n'est plus un acte qui obéit aux règles du commerce. Pour le consommateur, le commerce correspond à la règle du meilleur rapport qualité/prix. Le "fabriqué en France" est une qualité soit objective, soit immatérielle et symbolique. A qualité physique égale, je crois que nous ne pourrons jamais imposer un différentiel supérieur à 10%.

Le problème de ceux qui fabriquent en France, c'est donc soit d'être en dessous de ce différentiel de 10%, soit de jouer sur une autre stratégie : le sur-mesure, une niche haut de gamme, la combinaison avec une labellisation bio etc. Dans ces derniers cas, on est au delà des 10% mais ce ne sera pas justifié uniquement par le made in France. C'est un combat perdu d'avance de vouloir faire acheter du made in France à qualité égale mais à +30% du prix, ou ce sera alors seulement l'achat de quelques militants.

-Bien qu'une large majorité des français soient prêts à payer un peu plus cher (Etude du Crédoc*) pour consommer des produits fabriqués en France, cette intention chute fortement lorsque la différence de prix dépasse 10%. Comment faire pour convaincre davantage de nos concitoyens de soutenir la production hexagonale, et sur quels leviers peut-on jouer dans le contexte actuel ?


Le problème de cette différence de 10% est une barrière infranchissable pour deux produits strictement identiques, sinon leur achat n'est plus un acte qui obéit aux règles du commerce. Pour le consommateur, le commerce correspond à la règle du meilleur rapport qualité/prix. Le "fabriqué en France" est une qualité soit objective, soit immatérielle et symbolique. A qualité physique égale, je crois que nous ne pourrons jamais imposer un différentiel supérieur à 10%.

Le problème de ceux qui fabriquent en France, c'est donc soit d'être en dessous de ce différentiel de 10%, soit de jouer sur une autre stratégie : le sur-mesure, une niche haut de gamme, la combinaison avec une labellisation bio etc. Dans ces derniers cas, on est au delà des 10% mais ce ne sera pas justifié uniquement par le made in France. C'est un combat perdu d'avance de vouloir faire acheter du made in France à qualité égale mais à +30% du prix, ou ce sera alors seulement l'achat de quelques militants.

-Pouvez-vous nous rappeler brièvement les conséquences bénéfiques, en termes économiques, qu'apporterait le basculement d'achats "made in ailleurs" vers des achats "made in France" ?


Utiliser la logique de l'économie circulaire pour le "fabriqué en France" est une très bonne chose. Mais ce serait une erreur que de le réduire à cela. Le champ potentiel du "fabriqué en France" est bien plus large que la tendance actuelle des produits durables, recyclés, et liés à l'économie de partage. Le "made in France" doit être à la fois mobilisé sur ces nouveaux terrains liés à l'innovation ou aux nouvelles exigences des consommateurs, mais doit aussi pouvoir continuer à s'investir sur des terrains plus traditionnels. Les marinières Armor Lux existaient déjà avant la logique de l'économie circulaire. Pour autant, elles sont toujours là et continuent à utiliser le concept du "fabriqué en France". D'autres marques ont choisi de miser sur la mode, sur les nouvelles technologies ou encore l'innovation. Le champ d'action du fabriqué en France est très large !

*Etude du CREDOC - L'attachement des français au made in France - 2014, disponible en ligne sur http://www.credoc.fr/pdf/Rapp/R315.pdf.



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